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On aura vrai­ment tout vu dans cette bataille autour de la « contre » ‑réforme des retraites ! Nous étions habi­tués à la manière de M. Macron et ses affi­dés « gou­vernent » le pays : à grands coups de com­mu­ni­ca­tion ajus­tée à l’ambiance du moment. Seule constante : il faut affai­blir les acquis sociaux coûte que coûte. Peu importe la manière.

Cela est vrai dans tous les domaines de la conduite de l’État : on a vu récem­ment M. Macron, lors d’une tour­née en Afrique, dire tout le contraire de son pré­cé­dent dis­cours A tel point que la vraie diplo­ma­tie fran­çaise s’arrache les che­veux et tente de rafis­to­ler les errances du Pré­sident et son gouvernement.

Nous pour­rions mul­ti­plier les exemples de ces incon­sé­quences mais au risque de négli­ger les objec­tifs des deux man­dats de M. Macron : favo­ri­ser les inté­rêts du capi­tal au détri­ment de ceux de la popu­la­tion ! Essayer d’appliquer cette méthode pour ana­ly­ser toutes les déci­sions de M. Macron et son gou­ver­ne­ment sur l’ensemble des sujets, vous ver­rez qu’elle fonc­tionne systématiquement !

UNE REFORME A BASE DE MENSONGES

On com­prend pour­quoi la mino­ri­té pré­si­den­tielle et la droite dénonce les « obs­truc­tions » des dépu­tés de gauche à l’Assemblée Natio­nale. Car leurs inter­ven­tions ont fait la démons­tra­tion que la réforme des retraites n’était ni utile, ni juste, ni équi­table… Cela énerve d’être pris comme des gamins les doigts dans le pot de confi­ture ! Alors, pour ne pas répondre sur le fond, on change le débat en par­lant de la forme. Vieux comme le monde politique !

Donc, il faut conti­nuer à men­tir jusqu’au bout, en espé­rant que suf­fi­sam­ment de citoyens gobent les contre-véri­tés pour impo­ser le projet.

  • Pas de per­dant ! Vraiment…

Le ministre du tra­vail Oli­vier Dus­sopt a aus­si répé­té régu­liè­re­ment qu’elle ne ferait « pas de per­dant ». Les cinq semaines de débats et de polé­miques que nous venons de vivre per­mettent d’en dou­ter fortement.

La réa­li­té est qu’il y aura bien des per­dants. Si pour cer­taines caté­go­ries, rien ne chan­ge­ra vrai­ment : celles qui ont fait de longues études devront, du fait de la durée des coti­sa­tions, par­tir sou­vent à 64 ans déjà dans le sys­tème actuel.

Mais ce pro­jet fait por­ter l’effort sur les femmes ayant des enfants qui auraient pu par­tir à 62 ans grâce aux tri­mestres vali­dés pour chaque enfant. Si la réforme passe, elles devront attendre 64 ans. Situa­tion iden­tique pour les sala­rié-es  des couches popu­laires ou moyennes qui ont fait des études courtes…

Autre inéga­li­té majeure : actuel­le­ment, à 60 et 61 ans, 29% des sala­riés (soit 1 mil­lions de per­sonnes) ne sont ni en emploi, ni à la retraite : 4% sont au chô­mage et 25% en inac­ti­vi­té dépen­dant donc finan­ciè­re­ment des mini­ma sociaux ou de l’aide de leur entou­rage. Ils res­te­ront donc dans cette situa­tion deux ans de plus avec une retraite à 64 ans !

  • Les femmes gagnantes ?

Mme Borne et divers ministres van­taient dès le départ une réforme plus pro­tec­trice des femmes. Mais très rapi­de­ment, cela s’affirmait aus­si être une men­songe éhonté !

L’étude d’impact de la réforme le démontre : les femmes de la géné­ra­tion 1980 par­ti­raient huit mois plus tard contre quatre mois sup­plé­men­taire pour les hommes. L’économiste Patrick Aubert le prouve à l’analyse des mesures concer­nant entre autres la perte de droits pour les femmes liés à la mater­ni­té et l’éducation des enfants.

Le 8 mars, jour­née inter­na­tio­nale du droit des femmes, sera l’occasion de faire la démons­tra­tion de l’impact néga­tif de cette réforme pour le sala­riat féminin.

  • Aucune retraite en-des­sous de 1.200 euros par mois

Cela devait être l’avancée sociale majeure de la réforme : aucun retrai­té ne devrait tou­cher moins de 1.200 euros men­suels ! 85% du SMIC !

Pres­sés d’expliciter cette mesure lors de leur pas­sage dans les médias tous les ministres s’emmêlaient les pin­ceaux ! Faute d’avoir fait le cal­cul ? Non, car à l’examen (pas très appro­fon­di), il s’avérait que les condi­tions à l’application de la mesure en rédui­saient la por­tée dans qua­si-tota­li­té des cas !

Cela n’empêche pas le ministre du Tra­vail M. Dus­sopt d’affirmer que « nous aurons 250 000 retrai­tés sup­plé­men­taires qui vont fran­chir le cap des 85 % du Smic ». Et que « 40.000 d’entre eux tou­che­raient 1.200 euros !

Son­nés par les argu­ments des éco­no­mistes, le ministre doit recon­naître dans une lettre au dépu­té PS Jérôme Guedj, que ce ne seront que « entre 10.000 et 20.000 per­sonnes qui seront concernés »…

Fin de l’illusion et des illusionnistes…

  • La fausse faillite

Le gou­ver­ne­ment le jure : le défi­cit du sys­tème de retraite serait inte­nable. D’une part il menace la retraite par répar­ti­tion et condui­rait la France à la faillite ! Diantre…

Sur le pre­mier point, un tom­be­reau de men­songes a été déver­sé par les ministres, entre autres en affir­mant que, sans la réforme, le défi­cit accu­mu­lé serait de 150 mil­liards d’euros en 2030. Or, cela est archi-faux : ce mon­tant ne serait dépas­sé qu’en 2034 et il est en euros cou­rants ce qui le sur­es­time de près de 20 milliards.

La situa­tion réelle du sys­tème de retraite en 2030, sera un défi­cit de 10,7 mil­liards d’euros ce qui n’est rien au regard du défi­cit public de 172 mil­liards en 2023 et du mon­tant des pen­sions ver­sés chaque année de 350 mil­liards. Il n’y a donc aucun dan­ger pour le sys­tème de retraite par répar­ti­tion ni pour l’avenir du pays. Il suf­fi­rait d’augmenter légè­re­ment les coti­sa­tions patro­nales pour équi­li­brer. Les 200 mil­liards annuels d’aide au sec­teur pri­vé pour­raient sup­por­ter cela sans problèmes !

Autre idée simple : indexer les salaires sur l’inflation, ce qui per­met­trait de faire payer davan­tage de coti­sa­tions et ain­si cou­vrir les dépenses supplémentaires.

  • La démo­gra­phie ? quelle démographie ?

M. Dus­sopt, tou­jours le même qui mérite déci­dé­ment le sur­nom de Pinoc­chio du gou­ver­ne­ment, affirme qu’il « n’y a aujourd’hui que 1,7 actif par retraite alors que dans les années 1970, on en comp­tait trois par retraité ».

Il oublie de rap­pe­ler que l’explosion du nombre de retrai­tés est der­rière nous. Le ratio actifs-retrai­tés devraient en des­cendre jusqu’à 1,2 puis se sta­bi­li­ser. Tout comme l’espérance de vie vient d’atteindre un niveau qui ne pro­gres­se­ra sûre­ment plus, la démo­gra­phie n’est pas condi­tion­née par une courbe expo­nen­tielle irré­mé­diable : tous les démo­graphes insistent sur le fait qu’elle dépend lar­ge­ment de condi­tions éco­no­miques, sociales et cultu­relles dont il est dif­fi­cile de pré­voir l’issue à long terme.

Il y a en outre un abus de lan­gage : seuls les salaires devraient payer les retraites. En réa­li­té, ce sont les richesses déga­gées par la pro­duc­tion qui sont la base du sys­tème. Car il est évident que l’évolution des tech­niques, la moder­ni­sa­tion de l’outil de pro­duc­tion, réduit le nombre de sala­riés tout en aug­men­tant dras­ti­que­ment la productivité.

Une vraie réforme des retraites devraient donc inté­grer dans les res­sources du sys­tème, une part impor­tante de la pro­duc­ti­vi­té gagnée entre autres par la sup­pres­sions des emplois… et donc des salaires.

ALORS, POURQUOI ?

Il est en effet légi­time de se poser la ques­tion pour­quoi un gou­ver­ne­ment et un Pré­sident qui ne sont pas par­ti­cu­liè­re­ment idiots, prennent le risque de vou­loir impo­ser une réforme contre l’avis de 90% des citoyens actifs de leur pays. Au-delà du risque qu’ils prennent pour leur propre ave­nir et de l’accueil que les élus favo­rables à cette régres­sion sociale risquent de rece­voir dans leur cir­cons­crip­tion, c’est toute la démo­cra­tie repré­sen­ta­tive qui perd une grande par­tie de sa légitimité.

Faut-il donc que l’enjeu soit grand. Reve­nons à la méthode que nous vous avons pro­po­sée au départ de l’article : pour com­prendre les déci­sions de M. Macron, il faut cher­cher dans quelle mesure elles servent les inté­rêts de la grande finance.

Un peu d’histoire : quand Ambroise Croi­zat et le Conseil natio­nal de la Résis­tance créé la Sécu­ri­té Sociale, ils veulent qu’elle ne soit pas contrô­lée par le sys­tème ban­caire et finan­cier qui avait déjà, par le pas­sé, conduit le sys­tème de retraite à la faillite. D’où le choix de la « répar­ti­tion » qui ne peut faire ban­que­route puisqu’il est basé sur les res­sources (les salaires et la pro­duc­ti­vi­té) injec­tés direc­te­ment dans les dépenses sociales.

Le pro­blème du sys­tème par répar­ti­tion n’est pas qu’il coûte cher mais que les coti­sa­tions sont sous­traites à la spé­cu­la­tion ! Et c’est cela que tout les gou­ver­ne­ments de droite et de gauche depuis Rocard veulent modifier !

Le « magot » de la Sécurité Sociale

470 mil­liards d’euros de pres­ta­tions sont ver­sées chaque année par la Sécu­ri­té sociale, soit plus que le bud­get de l’État – 350 mil­liards d’euros. Cela équi­vaut à 25 % de la richesse nationale.

C’est ce « magot » qui inté­resse les fonds de retraite et spé­cu­la­tifs. On sait que des groupes comme Black Rock font le siège de l’Elysée et M. Macron est sous per­fu­sion des groupes de conseil comme Mac Kins­ley qui sont des par­ti­sans décla­rés de la capi­ta­li­sa­tion des sys­tème de san­té et par­ti­cu­liè­re­ment de la retraite.

Or, l’épargne retraite pri­vée ne cesse de pro­gres­ser en France même si sa pro­gres­sion est bien moindre que dans les autres pays euro­péens qui sont bien plus avan­cés que nous sur ce point. Elle pro­gresse car chaque réforme qui baisse les droits à la retraite pousse les sala­riés à essayer de com­pen­ser en se tour­nant vers la capi­ta­li­sa­tion ! Avec des inci­ta­tions gou­ver­ne­men­tales comme diverses exo­né­ra­tions fis­cales pour déve­lop­per l’épargne-retraite. La Loi Pacte de M. Macron en 2019, a per­mis d’augmenter d’un tiers les coti­sa­tions vers l’épargne-retraite ! Elle repré­sente en tota­li­té 250 mil­liards d’euros actuel­le­ment qui échappent à l’impôt et aux coti­sa­tions sociales !

Mais comme les Fran­çais tiennent à leur sys­tème par répar­ti­tion, les gou­ver­ne­ments ont rechi­gné à l’attaquer de front. Mais cela n’est pas néces­saire : il suf­fit, à coup des reculs sociaux, de limi­ter de plus en plus les garan­ties de la retraite par répar­ti­tion pour impo­ser un « pilier » sup­plé­men­taire qui serait la capi­ta­li­sa­tion ! Les spé­cu­la­teurs des banques et assu­rances s’en pour­lèchent déjà les babines…

Les risques de la capi­ta­li­sa­tion sont bien connus : les fonds de retraite, eux, peuvent faire faillite, contrai­re­ment au sys­tème par répartition.

La fra­gi­li­té du sys­tème est là : la fruc­ti­fi­ca­tion du capi­tal dépend for­te­ment de l’évolution des mar­chés. En cas de crise finan­cière, le mon­tant col­lec­té peut voir sa valeur chu­ter. Il est aus­si arri­vé que des fonds fassent faillite, à la suite de mal­ver­sa­tions ou des erreurs de gestion.

La crise finan­cière de 2008 a conduit à une kyrielle de faillite de fonds de pen­sion d’entreprise jetant des cen­taines de mil­liers de tra­vailleurs dans la misère.

La meilleure des garan­ties retraites est bien de faire échec au pro­jet de M. Macron de confier notre ave­nir aux fonds spé­cu­la­tifs : cela vaut bien quelques jours de grèves même dans des condi­tions sociales compliquées…