Cette ressource est accessible gratuitement pour une période de 10 jours. Pour nous permettre de continuer à vous proposer articles, documentaires, vidéos et podcasts, abonnez-vous à partir de 3 euros seulement !

On aura vraiment tout vu dans cette bataille autour de la « contre » -réforme des retraites ! Nous étions habitués à la manière de M. Macron et ses affidés « gouvernent » le pays : à grands coups de communication ajustée à l’ambiance du moment. Seule constante : il faut affaiblir les acquis sociaux coûte que coûte. Peu importe la manière.

Cela est vrai dans tous les domaines de la conduite de l’État : on a vu récemment M. Macron, lors d’une tournée en Afrique, dire tout le contraire de son précédent discours A tel point que la vraie diplomatie française s’arrache les cheveux et tente de rafistoler les errances du Président et son gouvernement.

Nous pourrions multiplier les exemples de ces inconséquences mais au risque de négliger les objectifs des deux mandats de M. Macron : favoriser les intérêts du capital au détriment de ceux de la population ! Essayer d’appliquer cette méthode pour analyser toutes les décisions de M. Macron et son gouvernement sur l’ensemble des sujets, vous verrez qu’elle fonctionne systématiquement !

UNE REFORME A BASE DE MENSONGES

On comprend pourquoi la minorité présidentielle et la droite dénonce les « obstructions » des députés de gauche à l’Assemblée Nationale. Car leurs interventions ont fait la démonstration que la réforme des retraites n’était ni utile, ni juste, ni équitable… Cela énerve d’être pris comme des gamins les doigts dans le pot de confiture ! Alors, pour ne pas répondre sur le fond, on change le débat en parlant de la forme. Vieux comme le monde politique !

Donc, il faut continuer à mentir jusqu’au bout, en espérant que suffisamment de citoyens gobent les contre-vérités pour imposer le projet.

  • Pas de perdant ! Vraiment…

Le ministre du travail Olivier Dussopt a aussi répété régulièrement qu’elle ne ferait « pas de perdant ». Les cinq semaines de débats et de polémiques que nous venons de vivre permettent d’en douter fortement.

La réalité est qu’il y aura bien des perdants. Si pour certaines catégories, rien ne changera vraiment : celles qui ont fait de longues études devront, du fait de la durée des cotisations, partir souvent à 64 ans déjà dans le système actuel.

Mais ce projet fait porter l’effort sur les femmes ayant des enfants qui auraient pu partir à 62 ans grâce aux trimestres validés pour chaque enfant. Si la réforme passe, elles devront attendre 64 ans. Situation identique pour les salarié-es  des couches populaires ou moyennes qui ont fait des études courtes…

Autre inégalité majeure : actuellement, à 60 et 61 ans, 29% des salariés (soit 1 millions de personnes) ne sont ni en emploi, ni à la retraite : 4% sont au chômage et 25% en inactivité dépendant donc financièrement des minima sociaux ou de l’aide de leur entourage. Ils resteront donc dans cette situation deux ans de plus avec une retraite à 64 ans !

  • Les femmes gagnantes ?

Mme Borne et divers ministres vantaient dès le départ une réforme plus protectrice des femmes. Mais très rapidement, cela s’affirmait aussi être une mensonge éhonté !

L’étude d’impact de la réforme le démontre : les femmes de la génération 1980 partiraient huit mois plus tard contre quatre mois supplémentaire pour les hommes. L’économiste Patrick Aubert le prouve à l’analyse des mesures concernant entre autres la perte de droits pour les femmes liés à la maternité et l’éducation des enfants.

Le 8 mars, journée internationale du droit des femmes, sera l’occasion de faire la démonstration de l’impact négatif de cette réforme pour le salariat féminin.

  • Aucune retraite en-dessous de 1.200 euros par mois

Cela devait être l’avancée sociale majeure de la réforme : aucun retraité ne devrait toucher moins de 1.200 euros mensuels ! 85% du SMIC !

Pressés d’expliciter cette mesure lors de leur passage dans les médias tous les ministres s’emmêlaient les pinceaux ! Faute d’avoir fait le calcul ? Non, car à l’examen (pas très approfondi), il s’avérait que les conditions à l’application de la mesure en réduisaient la portée dans quasi-totalité des cas !

Cela n’empêche pas le ministre du Travail M. Dussopt d’affirmer que « nous aurons 250 000 retraités supplémentaires qui vont franchir le cap des 85 % du Smic ». Et que « 40.000 d’entre eux toucheraient 1.200 euros !

Sonnés par les arguments des économistes, le ministre doit reconnaître dans une lettre au député PS Jérôme Guedj, que ce ne seront que « entre 10.000 et 20.000 personnes qui seront concernés »…

Fin de l’illusion et des illusionnistes…

  • La fausse faillite

Le gouvernement le jure : le déficit du système de retraite serait intenable. D’une part il menace la retraite par répartition et conduirait la France à la faillite ! Diantre…

Sur le premier point, un tombereau de mensonges a été déversé par les ministres, entre autres en affirmant que, sans la réforme, le déficit accumulé serait de 150 milliards d’euros en 2030. Or, cela est archi-faux : ce montant ne serait dépassé qu’en 2034 et il est en euros courants ce qui le surestime de près de 20 milliards.

La situation réelle du système de retraite en 2030, sera un déficit de 10,7 milliards d’euros ce qui n’est rien au regard du déficit public de 172 milliards en 2023 et du montant des pensions versés chaque année de 350 milliards. Il n’y a donc aucun danger pour le système de retraite par répartition ni pour l’avenir du pays. Il suffirait d’augmenter légèrement les cotisations patronales pour équilibrer. Les 200 milliards annuels d’aide au secteur privé pourraient supporter cela sans problèmes !

Autre idée simple : indexer les salaires sur l’inflation, ce qui permettrait de faire payer davantage de cotisations et ainsi couvrir les dépenses supplémentaires.

  • La démographie ? quelle démographie ?

M. Dussopt, toujours le même qui mérite décidément le surnom de Pinocchio du gouvernement, affirme qu’il « n’y a aujourd’hui que 1,7 actif par retraite alors que dans les années 1970, on en comptait trois par retraité ».

Il oublie de rappeler que l’explosion du nombre de retraités est derrière nous. Le ratio actifs-retraités devraient en descendre jusqu’à 1,2 puis se stabiliser. Tout comme l’espérance de vie vient d’atteindre un niveau qui ne progressera sûrement plus, la démographie n’est pas conditionnée par une courbe exponentielle irrémédiable : tous les démographes insistent sur le fait qu’elle dépend largement de conditions économiques, sociales et culturelles dont il est difficile de prévoir l’issue à long terme.

Il y a en outre un abus de langage : seuls les salaires devraient payer les retraites. En réalité, ce sont les richesses dégagées par la production qui sont la base du système. Car il est évident que l’évolution des techniques, la modernisation de l’outil de production, réduit le nombre de salariés tout en augmentant drastiquement la productivité.

Une vraie réforme des retraites devraient donc intégrer dans les ressources du système, une part importante de la productivité gagnée entre autres par la suppressions des emplois… et donc des salaires.

ALORS, POURQUOI ?

Il est en effet légitime de se poser la question pourquoi un gouvernement et un Président qui ne sont pas particulièrement idiots, prennent le risque de vouloir imposer une réforme contre l’avis de 90% des citoyens actifs de leur pays. Au-delà du risque qu’ils prennent pour leur propre avenir et de l’accueil que les élus favorables à cette régression sociale risquent de recevoir dans leur circonscription, c’est toute la démocratie représentative qui perd une grande partie de sa légitimité.

Faut-il donc que l’enjeu soit grand. Revenons à la méthode que nous vous avons proposée au départ de l’article : pour comprendre les décisions de M. Macron, il faut chercher dans quelle mesure elles servent les intérêts de la grande finance.

Un peu d’histoire : quand Ambroise Croizat et le Conseil national de la Résistance créé la Sécurité Sociale, ils veulent qu’elle ne soit pas contrôlée par le système bancaire et financier qui avait déjà, par le passé, conduit le système de retraite à la faillite. D’où le choix de la « répartition » qui ne peut faire banqueroute puisqu’il est basé sur les ressources (les salaires et la productivité) injectés directement dans les dépenses sociales.

Le problème du système par répartition n’est pas qu’il coûte cher mais que les cotisations sont soustraites à la spéculation ! Et c’est cela que tout les gouvernements de droite et de gauche depuis Rocard veulent modifier !

Le « magot » de la Sécurité Sociale

470 milliards d’euros de prestations sont versées chaque année par la Sécurité sociale, soit plus que le budget de l’État – 350 milliards d’euros. Cela équivaut à 25 % de la richesse nationale.

C’est ce « magot » qui intéresse les fonds de retraite et spéculatifs. On sait que des groupes comme Black Rock font le siège de l’Elysée et M. Macron est sous perfusion des groupes de conseil comme Mac Kinsley qui sont des partisans déclarés de la capitalisation des système de santé et particulièrement de la retraite.

Or, l’épargne retraite privée ne cesse de progresser en France même si sa progression est bien moindre que dans les autres pays européens qui sont bien plus avancés que nous sur ce point. Elle progresse car chaque réforme qui baisse les droits à la retraite pousse les salariés à essayer de compenser en se tournant vers la capitalisation ! Avec des incitations gouvernementales comme diverses exonérations fiscales pour développer l’épargne-retraite. La Loi Pacte de M. Macron en 2019, a permis d’augmenter d’un tiers les cotisations vers l’épargne-retraite ! Elle représente en totalité 250 milliards d’euros actuellement qui échappent à l’impôt et aux cotisations sociales !

Mais comme les Français tiennent à leur système par répartition, les gouvernements ont rechigné à l’attaquer de front. Mais cela n’est pas nécessaire : il suffit, à coup des reculs sociaux, de limiter de plus en plus les garanties de la retraite par répartition pour imposer un « pilier » supplémentaire qui serait la capitalisation ! Les spéculateurs des banques et assurances s’en pourlèchent déjà les babines…

Les risques de la capitalisation sont bien connus : les fonds de retraite, eux, peuvent faire faillite, contrairement au système par répartition.

La fragilité du système est là : la fructification du capital dépend fortement de l’évolution des marchés. En cas de crise financière, le montant collecté peut voir sa valeur chuter. Il est aussi arrivé que des fonds fassent faillite, à la suite de malversations ou des erreurs de gestion.

La crise financière de 2008 a conduit à une kyrielle de faillite de fonds de pension d’entreprise jetant des centaines de milliers de travailleurs dans la misère.

La meilleure des garanties retraites est bien de faire échec au projet de M. Macron de confier notre avenir aux fonds spéculatifs : cela vaut bien quelques jours de grèves même dans des conditions sociales compliquées…