Richard Weiss est un mili­tant his­to­rique du bilin­guisme en Alsace. Cet ensei­gnant, aujourd’hui à la retraite, est en effet le cofon­da­teur des écoles ABCM-Zweis­pra­chig­keit (Asso­cia­tion pour le Bilin­guisme en Classe dès la Mater­nelle). ABCM est une asso­cia­tion de parents d’élèves fon­dée en 1990 suite  au refus du Rec­teur Deyon  d’ap­pli­quer des cir­cu­laires minis­té­rielles  (qui avaient fait leurs preuves pour les autres langues de France depuis  long­temps) et d’ouvrir des classes bilingues pari­taires fran­çais / langue régio­nale en Alsace ( tout comme un autre  rec­teur pour  la Moselle!).

Fin connais­seur de l’histoire et de   tout ce qui a trait au patri­moine de l’Alsace, Richard se défi­nit avant tout comme un Elsas­ser. Ancien membre du Modem, Richard a rejoint les rangs du par­ti « Unser Land » et a été sup­pléant  pour ce par­ti aux élec­tions départementales

L’Alterpresse68 :  Vous êtes à l’initiative d’une pro­po­si­tion pour une « co-offi­cia­li­té du fran­çais et de l’allemand, langue régio­nale et internationale »

Richard Weiss : Je pré­cise bien « langue régio­nale et inter­na­tio­nale » en ce qui concerne la langue alle­mande pour bien mon­trer que nous défen­dons à la fois notre culture et notre langue his­to­rique, »‘s Dit­scha » , l’al­le­mand sous toutes ses formes (dia­lectes et langue stan­dard), ce qui se jus­ti­fie­rait en soi, même si l’al­le­mand n’é­tait pas en plus  la langue la plus par­lée en Europe : nous  ne sommes donc  pas dans un repli iden­ti­taire avec notre pro­po­si­tion. Ce sont les mono­lingues qui font du repli iden­ti­taire (ain­si que ceux qui ne voient que l’as­pect dia­lec­tal  parce qu’ils ont  été com­plexés par l’é­cole publique  et ont peur de se faire trai­ter d’ »Alle­mands » !)

Il faut poser comme prin­cipe que les 2 langues sont à trai­ter à éga­li­té  dans tous les aspects de la socié­té et pas seule­ment à l’é­cole   dans les classes bilingues dites « pari­taires », c’est-à-dire avec un horaire iden­tique dans chaque langue : en  réa­li­té un enfant mono­lingue de 3 ans vivant dans un milieu fran­co­phone  enten­dra  de l’al­le­mand pen­dant un maxi­mum de 12 heures/semaine ( x 25 semaines= 300 h/année … sur 3650 heures/année), c’est-à-dire moins qu’un dixième du temps où il est éveillé !  De plus, cette  pour­suite « pari­taire » n’est assu­rée dans aucun col­lège ni lycée…

L’Alterpresse68 : Com­ment cette pro­po­si­tion pour­rait-elle s’appliquer ?

Richard Weiss : A l’é­cole il faut enfin pas­ser du stade de la demande  (parents, élus, orga­nismes éco­no­miques, etc..) à une offre géné­ra­li­sée (avec évi­dem­ment dis­pense pour ceux qui pré­fèrent en res­ter au mono­lin­guisme), comme en Corse où, suite à une cir­cu­laire  de M. Jos­pin,  le corse est  pré­sent à l’emploi du temps de toutes les classes !

Il faut for­mer des ensei­gnants en alle­mand à l’ ESPE et les nom­mer dans les écoles de la Région, ou faire appel à des ensei­gnants déjà for­més dans des pays ger­ma­no­phones (Alle­magne, Luxem­bourg, Autriche, Suisse) !

 Il faut  aus­si que le concours se passe dans la langue que l’en­sei­gnant par­le­ra devant les enfants (et non en fran­çais, comme c’est le cas aujourd’hui, ce qui péna­lise les ger­ma­no­phones natifs, pas tou­jours à l’aise dans des épreuves typi­que­ment fran­çaises comme la dissertation…

Il faut aus­si, comme cela existe depuis 30 ans dans les autres régions de France, créer  enfin de véri­tables écoles en immer­sion, en com­men­çant par  le dia­lecte à l’o­ral en mater­nelle! M. Thier­ry KRANZER le dit bien : » Aucune langue n’a jamais été sau­vée sans immer­sion ! » et  « Aucune opé­ra­tion de pro­mo­tion de l’Al­sace ne com­pen­se­ra la perte éven­tuelle de notre langue ! »

En outre, la créa­tion d’une vraie chaîne de télé­vi­sion régio­nale (et non de simples décro­chages limi­tés)  fait par­tie du mini­mum de ce qui devrait être réalisé.

L’Alterpresse68 : Alors que l’éducation régio­nale rogne sur les moyens des ensei­gnants, cette pro­po­si­tion devra trou­ver des financements ?

Richard Weiss : Les béné­fices à brève et longue échéance d’un ensei­gne­ment bilingue sont supé­rieurs aux coûts ini­tiaux. Si ce n’é­tait pas le cas, on pour­rait se deman­der com­ment un Land aus­si « pauvre » que la Sarre pour­rait envi­sa­ger la géné­ra­li­sa­tion du français !

Recueillis par Michel Muller