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Dernière partie de notre plongée au sein du conseil de surveillance du GHRMSA à Mulhouse au sujet de la fermeture des maternités de Thann et Altkirch. Un conseil où l’on remarque que rien ne s’y joue vraiment en assemblée plénière, mais dans lequel transparaissent les rapports de force et les intérêts divergents, entre d’une part des élus soucieux de ne pas se couper de leur électorat, lui même inquiet de voir reculer un à un les services publics en milieu rural, et de l’autre l’administration sanitaire, en roue libre, déroulant son tapis de réforme à stricte vocation budgétaire avec l’assurance du saccage bien fait. 
Évidemment, il n’y est officiellement question que de qualité de soins, de sécurité des patients et de démographie médicale défavorable, en guise d’argument massue. 
La vérité est sans doute un peu à mi-chemin : les élus ruraux qui ont accepté de rejoindre le GHRMSA se sont retrouvés piégés à travailler doublement du rabot budgétaire de l’ARS, pour toute priorité, et de la nécessité de justifier la dépense de construction d’une usine à nouveaux-nés à Mulhouse, à laquelle ils ont consenti, et qui devait nécessairement desservir (et servir) l’ensemble du Sud-Alsace, en lieu et place des établissements de Thann et Altkirch. 
On notera, enfin, le jeu franchement complaisant de la part de supposés représentants de l’intérêt des usagers, cornaqués soit par l’ARS ou la préfecture, et le mutisme presque intégral des représentants syndicaux CFDT et CFTC en assemblée, et on comprendra mieux pourquoi les maternités ont été aussi promptes à fermer leurs portes en 2019, alors que la chose n’était à l’origine envisagée que pour 2023… 

Jean Rott­ner essaie de désa­mor­cer ce qu’il sait être un sujet sus­cep­tible de trou­bler la las­si­tude de quelques pré­sents dans l’as­sem­blée. Il indique qu’une mis­sion d’a­na­lyse dili­gen­tée par l’ARS est en cours, dans une démarche qu’il qua­li­fie de « pro­pec­tive ». Il insiste alors sur l’ab­sence de prise de déci­sion à cette heure. 

Comme cela n’ap­pa­rait visi­ble­ment pas pour évident, il rap­pelle que le conseil de sur­veillance du GHRMSA est un « lieu d’é­change et de débats ». Il place le débat en pers­pec­tive avec un contexte natio­nal « com­plexe », tant sur l’a­ve­nir du sys­tème de san­té en France que sur l’a­mé­na­ge­ment sani­taire du territoire. 

Le manie­ment du concept de com­plexi­té étant per­çue comme le cache misère bud­gé­taire qui com­mande toute l’ac­tion publique en matière de san­té, y com­pris pen­dant et après la crise du Covid-19, on entame les échanges par un dia­po­ra­ma qui n’empêchera pas les expli­ca­tions plus sèches. 

Pierre Les­pi­nasse, délé­gué ter­ri­to­rial du Haut-Rhin de l’ARS Grand-Est depuis jan­vier 2018, explique que les pistes ont voca­tion à per­mettre le retour à l’é­qui­libre finan­cier néces­saire pour assu­rer la péren­ni­té du GHRMSA. Et pré­cise, un tan­ti­net mar­tial, que l’ARS tran­che­ra et le grou­pe­ment hos­pi­ta­lier condui­ra les transformations. 

Jean-Luc Reit­zer, Vice-pré­sident du conseil de sur­veillance, déboule alors bille en tête, et vide son sac. Il fait men­tion de ses états de ser­vice en tant que maire d’Alt­kirch pen­dant 35 ans, et pré­sident du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion de l’hô­pi­tal Saint-Morand, pour lequel il a oeu­vré afin de main­te­nir l’é­qui­libre finan­cier de l’établissement, se bat­tant contre la fer­me­ture envi­sa­gée de la chi­rur­gie, dans un Sund­gau consti­tué d’une cen­taine de communes. 

Il recon­nait clai­re­ment s’être réso­lu à un rap­pro­che­ment avec Mul­house, en rai­son de la démo­gra­phie médi­cale et à l’ins­ti­ga­tion de la per­son­na­li­té pivot qu’à été Jean-Marie Bockel. Ces préa­lables lui per­met­tant d’é­non­cer que la pers­pec­tive de fer­me­ture des urgences et de la mater­ni­té d’Alt­kirch sont explosives.

Il rap­pelle que le pro­blème de la démo­gra­phie médi­cale, des urgences et le recours mas­sif à l’in­té­rim médi­cal est par­ta­gé par tous et une solu­tion com­mune peut être trou­vée. Il se dit prêt à par­ti­ci­per à toute dis­cus­sion dans l’ob­jec­tif de sau­ve­gar­der la per­ma­nence de soins. Il joint d’ailleurs le geste à la parole, et entre immé­dia­te­ment en négo­cia­tion, pro­po­sant l’ins­tal­la­tion d’un SMUR contre l’hy­po­thèse de la trans­for­ma­tion d’Alt­kirch en centre de soins non pro­gram­més sur le modèle thannois. 

Iro­nie de l’his­toire, quand l’on connait le fin mot de l’his­toire, la fer­me­ture de la mater­ni­té ne lui parait pas rece­vable. Invo­quant une conven­tion avec Mul­house qui fonc­tionne très bien en cas d’accouchement à risque, il déclare que toutes les condi­tions sont réunies pour main­te­nir la mater­ni­té à Alt­kirch, et va jus­qu’à lire un extrait d’une com­mis­sion spé­cia­li­sée des soins de l’ARS, dans laquelle il est dit que « la mater­ni­té d’Alt­kirch répond à un besoin de san­té du territoire ». 

Il ter­mine par un rap­pel du bas­sin des­ser­vi par la mater­ni­té, riche de plus de 70 000 habi­tants. Rai­son pour laquelle une fer­me­ture de la mater­ni­té n’est pour lui pas négociable. 

Le maire de Thann, Romain Lut­trin­ger, abonde. Fus­ti­geant la langue de bois de mise dans l’as­sem­blée, il dit que le taux de fuite (d’é­vi­te­ment) est connu de tous, et que la presse fut désas­treuse sur le sujet. Cla­mant qu’il n’y a pas de dan­ger à la mater­ni­té de Thann, que les gardes médi­cales sont assu­rées, et que la pro­blé­ma­tique de dis­tance et de durée du tra­jet est la même que pour le Sundgau. 

Plus pru­dent que Reit­zer, il déclare que s’il y avait dan­ger, alors il fau­drait fer­mer, mais que cela n’est pas prou­vé. Puis redouble d’ac­cu­sa­tions : la fusion devait évi­ter la fer­me­ture de la mater­ni­té, tout du moins pas avant 2023, de sorte que les enga­ge­ments ne sont pas res­pec­tés et que l’on a men­ti aux élus. Puis ponc­tue en jus­ti­fiant la fer­me­ture des urgences, en rai­son de la sous-fré­quen­ta­tion, mais refuse que l’on touche à la mater­ni­té de Thann. 

Michel Sor­di, maire de Cer­nay, fait lui aus­si part de ses res­sen­ti­ments : l’hôpital de Cer­nay ayant été appro­ché 4 ou 5 années plus tôt afin de fusion­ner avec Mul­house. Une fusion, peu évi­dente, qui s’é­tait opé­rée en ver­tu de la pro­messe du main­tien du cente hos­pi­ta­lier de Thann, et par « esprit de soli­da­ri­té du ter­ri­toire ». Pareille­ment à Reit­zer, il se dit « floué » et vic­time d’en­ga­ge­ments non tenus. 

Jean-Marie Bockel, grand fédé­ra­teur devant l’é­ter­nel, (et than­nois d’o­ri­gine), s’o­bli­gea alors à inter­ve­nir. Il se pré­sente en clair­voyant per­ce­vant les pro­ces­sus his­to­riques à l’oeuvre, et plai­dant pour une vision large. La situa­tion des hôpi­taux de proxi­mi­té était « très pré­oc­cu­pante », et il fal­lait agir pour assu­rer leur péren­ni­té. « Aujourd’­hui ce n’est plus le débat », tonne-t-il. Mais la ques­tion des mater­ni­tés est à nou­veau posé. 

L’ex-maire de Mul­house évoque une phrase, dont on ne sait pas pré­ci­sé­ment si elle lui a été révé­lée par un esprit frap­peur durant une nuit agi­tée, ou s’il l’a tient d’un tiers absent, car il répète ce que fut la « réponse don­née en son temps » : « une ardente obli­ga­tion pour que ces mater­ni­tés soient préservées ». 

Il n’a pas oublié la phrase, mais en toute bonne foi, n’a pas la pres­cience per­ma­nente. Ain­si, n’a­vait-il pas le « pou­voir d’en­ga­ger des déci­sions 5 ou 10 ans plus tard ». Et de se féli­ci­ter d’a­voir agi afin de sau­ver l’hôpital de Thann, dont on ne sait ce qu’il en serait adve­nu sans son impli­ca­tion personnelle… 

Plus fort encore, il affirme aux élus ren­fro­gnés qui ont dû en connaitre un sif­fle­ment d’o­reille, que le deal était pour­tant évident: dès lors qu’ils avaient accep­té la construc­tion du pôle mère-enfant de Mul­house, la bonne har­mo­nie et le res­pect des deniers publics sup­po­saient la pré­sente logique. Ain­si, les déci­sions prises à l’é­poque (et aujourd’­hui) sont les bonnes, et per­sonne n’a men­ti ! CQFD. 

Jean-Luc Reit­zer, pour ne pas paraitre déloyal envers son obli­gé, se récrie aus­si­tôt : il n’a pas vou­lu mettre en cause Mon­sieur Bockel !

Le repré­sen­tant des usa­gers, Jean-Marie Michel, se déclare soli­daire des pro­pos tenus, et ajoute que la com­mu­ni­ca­tion presse a été dévas­ta­trice. Par ailleurs, il fait mine de se deman­der pour­quoi les déci­sions doivent être prises en 2019 et non en 2023, comme il était prévu. 

La repré­sen­tante syn­di­cale CFTC en pro­fite pour faire une per­cée, jugeant inac­cep­table l’an­nonce de la fer­me­ture par voie de presse, ce que rati­fie Jean-Luc Reit­zer. Des annonces qui ne font qu’ac­cen­tuer le « taux de fuite » des éta­blis­se­ments de proxi­mi­té. La syn­di­ca­liste lira devant l’as­sem­blée le tract com­mun signé avec la CFDT, concluant leur refus de voir dis­pa­raitre les hôpi­taux de proximité. 

Le doc­teur Greith inter­vient alors en sou­tien au doc­teur Sen­gler (absent), pour rap­pe­ler la réa­li­té de la démo­gra­phie médi­cale et l’ab­sur­di­té du nume­rus clau­sus. Ajou­tant que les évo­lu­tions vou­lues par le déci­deurs s’im­posent dans le but de la sécu­ri­té du patient et de la qua­li­té du soin…

Pre­nant son envol vers l’en­fon­çage de portes galac­tiques, Jean Rott­ner inter­vient pour pré­ci­ser que la fin du nume­rus clau­sus n’est pas prêt de pro­duire ses effets aujourd’­hui, qu’il est temps d’a­van­cer col­lec­ti­ve­ment (plu­tôt que seul dans son bou­doir) et qu’il est néces­saire de répar­tir les mis­sions entre grands centres et « hôpi­taux péri­phé­riques ». Le débat conti­nue­ra, donc. 

Le doc­teur Lévy, tou­ché au coeur, rejette la res­pon­sa­bi­li­té du main­tien inepte du nume­rus clau­sus sur ses col­lègues libéraux !

Le maire de Thann revient à la charge. Se fai­sant l’é­cho de la popu­la­tion, il consi­dère que le dis­cours bud­gé­taire est inau­dible pour la popu­la­tion, laquelle réclame le main­tien d’une offre de soins de proxi­mi­té. Il a deman­dé le rap­pel de l’en­semble de l’offre than­noise par voie de communication. 

Jean Luc Reit­zer sou­ligne éga­le­ment le contexte d’une rura­li­té qui voit dis­pa­raitre tous ses ser­vices publics. 

Le repré­sen­tant de l’ARS fait par la suite un dis­cours dans lequel il recon­nait les mérites des hôpi­taux de proxi­mi­té et de leurs per­son­nels, mais avoue clai­re­ment que des déci­sions sont prises par néces­si­té de ne pas voir les res­pon­sables admi­nis­tra­tifs char­gés de la san­té enga­ger leur res­pon­sa­bi­li­té per­son­nelle en cas d’ac­ci­dent. Le sys­tème s’au­to­jus­ti­fie donc par la néces­si­té de réduire les couts, et anti­ci­per les ava­nies que les méde­cins connai­traient à rai­son de leurs actes médi­caux périlleux. 

Le conseil s’a­chève par une pro­messe d’exa­men de l’ensemble des options par Jean Rott­ner. Il pro­pose une ren­contre avant décembre pour tra­vailler sur les sujets à un niveau poli­tique et technique. 

Pierre Les­pi­nasse, délé­gué ter­ri­to­rial de l’ARS s’y oppose, sou­hai­tant que le tra­vail ait abou­ti avant d’en­ga­ger des discussions. 

Jean Rott­ner cherche à tem­po­ri­ser pour ne pas perdre la face devant les élus. Il pro­pose une infor­ma­tion préa­lable et une dis­cus­sion avec eux. 

Le maire de Thann pro­fite de l’oc­ca­sion pour sou­mettre la date du 9 novembre. Il dit com­prendre les ordres du minis­tère, mais estime que si tout est déjà déci­dé, il n’y a pas d’u­ti­li­té à sié­ger en conseil de surveillance.

Le délé­gué de l’ARS donne son agré­ment pour la date du 9 novembre. 

Un point sera fait au pro­chain conseil de novembre. 

Après un échange autour de la notion de « pro­jet régio­nal de san­té », lequel défi­nit une logique de pla­ni­fi­ca­tion et de pro­gram­ma­tion des moyens, dans le cor­set des lois de finan­ce­ment de la sécu­ri­té sociale, les dis­cus­sion reprennent sur le « contrat de per­for­mance ».

Comme pour mar­quer une forme de las­si­tude, Jean Rott­ner ouvre les débats en infor­mant que de nom­breux échanges ont déjà eu lieu entre les élus, l’ARS et le GHRMSA. Fai­sant de l’é­tat d’es­prit la condi­tion des échanges. C’est à dire soit le choix de la contes­ta­tion (délé­tère, infruc­tueuse, per­dante), ou celui de la remise en ques­tion et de la recons­truc­tion posi­tive. Des for­mules tou­jours aus­si creuses, mais qui ont pour mérite d’af­fi­cher clai­re­ment la couleur. 

Secret de poli­chi­nelle, il informe de ce que le « contrat per­for­mance » engage la néces­si­té de restruc­tu­rer l’offre de soins. Aus­si bien pour l’établissement centre que pour les éta­blis­se­ments péri­phé­riques. Ce qui lui per­met d’as­su­rer aus­si­tôt que cela ne signi­fie pas, d’emblée, « fer­me­ture de ser­vices ».

Cer­taines des décla­ra­tions de Jean Rott­ner paraissent pure­ment auto­ré­fé­ren­tielles et sont pleines d’une auto­sa­tis­fac­tion hau­te­ment dépla­cée, notam­ment lors­qu’il sou­ligne « la capa­ci­té d’é­coute et la volon­té d’a­van­cer de l’ARS et du GHRMSA ». Mieux: « il invite cha­cun à faire pas­ser les bons mes­sages de res­pon­sa­bi­li­té et de construc­tion de pro­jets communs ». 

Jean-Luc Reit­zer rap­pelle le condi­tions poli­tiques dif­fi­ciles dans les­quelles il a consen­ti à la fusion de l’hôpital d’Alt­kirch avec le GHRMSA. Il dit sou­hai­ter modé­rer la teneur des débats et sou­haite que du temps soit don­né à la réflexion com­mune. Il se demande si la cou­ver­ture pédia­trique, point faible de sa mater­ni­té, ne pou­vait être garan­tie par l’établissement centre. Il évoque enfin le sort des urgences, en dif­fi­cul­té, ce dont il est prêt à discuter. 

Là encore, l’his­toire aura fait montre d’une iro­nie cer­taine, puisque le ser­vice, tou­jours en grande dif­fi­cul­té, est pour­tant res­té ouvert jus­qu’à ce jour. 

Le maire de Thann et de Cer­nay appuient la pro­po­si­tion de Jean-Luc Reit­zer : du temps doit être don­né, même si les auto­ri­sa­tions d’exer­cice arrivent à terme dans les deux hôpi­taux de proxi­mi­té. Ils font part de l’in­quié­tude de l’ar­rière val­lée à l’i­dée de voir déman­te­ler leur hôpital. 

Jean-Marie Bockel, prin­ci­pal pro­mo­teur poli­tique des fusions, inter­vient pour appuyer osten­si­ble­ment les pro­pos de Jean Rott­ner, tout en main­te­nant les élus pro­tes­ta­taires dans une dis­po­si­tion d’es­prit ouverte : le cou­pe­ret des auto­ri­sa­tions ne soit pas empê­cher les dis­cus­sions. Fai­sant montre d’empathie, il dit com­prendre le res­sen­ti de la popu­la­tion des val­lées, et appelle à conti­nuer le tra­vail dans le res­pect mutuel, celui qui avait pré­va­lu pen­dant les fusions. 

Un pos­tu­lat pour le moins contra­dic­toire, puisque l’on pro­pose un sché­ma symé­tri­que­ment inverse aux élus qui avaient consen­ti à ces fusions. Ils devront donc man­ger res­pec­tueu­se­ment leur chapeau. 

Une manière sur­tout de ména­ger la chèvre et le chou, qui dépasse de toute évi­dence l’entendement du doc­teur Sen­gler, vice-pré­sident du conseil de sur­veillance, qui ne per­çoit pas la néces­si­té de don­ner du temps, au vu de l’é­vo­lu­tion de la démo­gra­phie médi­cale et des pro­blèmes de sécu­ri­té et de res­pon­sa­bi­li­té, connus, dit-il, depuis au moins 2 années. 

Jean Rott­ner sent poindre une menace de fis­sion, et demande à l’as­sem­blée de se foca­li­ser sur l’a­van­ce­ment du dos­sier en évi­tant les règle­ments de compte. Il réclame que cesse les oppo­si­tions entre site cen­tral et péri­phé­riques. Le pré­sident du conseil s’ap­puie ensuite sur le repré­sen­tant de l’ARS pour faire valoir une posi­tion d’ar­bitre, et réclame des pers­pec­tives, étant convain­cu qu’une issue est pos­sible, mais qu’à l’heure actuelle les condi­tions ne sont pas réunies. 

Jean-Luc Reit­zer réagit alors aux pro­pos de Sen­gler, en neu­tra­li­sant l’ar­gu­ment sécu­ri­taire de son inter­ven­tion : aucun éta­blis­se­ment, quel que soit sa taille, n’é­tant à l’a­bri d’un drame. 

Michel Sor­di fait alors une sor­tie éton­nante, dans laquelle pointe une menace poli­tique: il fait état de sa car­rière poli­tique, qui comme celle d’autres élus dans l’as­sem­blée, est der­rière eux, mais pense que le type de déci­sions prises au sein du conseil sont sus­cep­tibles de faire mon­ter les « par­tis radi­caux ». La chose n’é­tant pas expli­cite, on se doute qu’il évoque la menace d’un enra­ci­ne­ment de l’ex­trême droite dans les ter­ri­toires jugés périphériques. 

Par la suite, tout peut se résu­mer à la litote qui voit la secré­taire de séance rédi­ger une phrase lapi­daire : « Un débat vif sur la poten­tielle uti­li­sa­tion de ce dos­sier à des fins élec­to­rales a lieu »

Le maire de Sie­rentz, inter­vient en connais­seur de ces réa­li­tés, et affirme, sérieu­se­ment, que maire de la ville depuis 1979, il a connu la fer­me­ture de la mater­ni­té, et sou­tient que cela se régule tout seul, « à cause de rai­son ».

Mar­tine Des­mouges, repré­sen­tant les usa­gers en tant que membre dési­gné par l’ARS, est tou­jours remar­quable de dépha­sage. N’é­vo­quant qu’un effort de com­mu­ni­ca­tion ren­for­cé pour les usa­gers en cas de modi­fi­ca­tions de l’offre de soins. 

Jean Marc Kelai, pour le compte de la CFDT, aver­tit que les citoyens vont mani­fes­ter pour se faire entendre. La phrase est si lapi­daire qu’il est impos­sible de savoir ce qui sera entendable. 

Ce à quoi réagit le farouche méde­cin Jean Sen­gler, qui rap­pelle que la com­mis­sion médi­cale d’établissement a déjà pris posi­tion en votant la restruc­tu­ra­tion des urgences d’Alt­kirch, ain­si que des mater­ni­tés de Thann et Altkirch. 

Il n’au­ra pas eu la peau des urgences alt­kir­choises jus­qu’à présent. 

Chan­ge­ment de ton en ouver­ture de conseil, en ce début d’an­née 2019. Les trac­ta­tions de cou­loirs ont dû se mul­ti­plier le long des der­nières semaines. 

Un invi­té sur­prise, dont la France entière enten­dra par­ler inter­vient en pré­am­bule: il s’a­git de Chris­tophe Lan­ne­longue.

Celui-là même qui a ser­vi de fusible admi­nis­tra­tif au gou­ver­ne­ment, lors de la pre­mière crise covid-19, au prin­temps 2020. Le 8 avril 2020, il était démis de ses fonc­tions en conseil des ministres, en tant que direc­teur géné­ral de l’agence régio­nale de san­té (ARS) de la région Grand-Est. 

A une ques­tion posée lors d’une confé­rence de presse des­ti­née à des médias locaux, il choi­sit de répondre à une ques­tion presque ano­dine sur le main­tien du pro­jet de réor­ga­ni­sa­tion des hôpi­taux de Nan­cy, en mau­vais état depuis vingt-cinq ans, qui pré­voit une restruc­tu­ra­tion assor­tie d’une sup­pres­sion de 174 lits et de 598 emplois sur cinq ans : « Il n’y a pas de rai­son de remettre en cause le Coper­mo pour le CHRU [Centre hos­pi­ta­lier régio­nal et uni­ver­si­taire] de Nan­cy. Le dos­sier devrait être exa­mi­né début juin. (…) La tra­jec­toire reste la même. »

Celui qui admet depuis avoir « répon­du de manière bébête », n’en démord pour­tant pas sur le fond: il ne fai­sait que répé­ter une réa­li­té qui n’était pas sa véri­té mais l’application stricte d’une poli­tique de san­té natio­nale. Qu’elle soit visi­ble­ment mau­vaise ou inap­pro­priée n’était pas son problème. 

Et com­ment en serait-il autre­ment ? Les res­pon­sables admi­nis­tra­tifs servent de rouages qui viennent embrayer une machi­ne­rie mor­ti­fère et absurde, résu­mant l’entièreté du sys­tème socio-éco­no­mique dans lequel nous sommes toutes et tous entrai­nés et broyés, y com­pris à nos dépens.

Pour autant, de nom­breux membres de la com­mu­nau­té médi­cale le sou­tiennent, notam­ment par­mi le corps des méde­cins. Le chef de ser­vice des urgences de Mul­house, Marc Noi­zet, affirme d’ailleurs ceci à son pro­pos : « il a eu un écart de lan­gage très mal­heu­reux, mais il a dit ce que tout le monde savait. C’est cher payé, voire hal­lu­ci­nant, de virer quelqu’un qui tenait la baraque à ce moment cru­cial de la crise. »

En fin de car­rière, et à 66 ans, il songe tou­te­fois à atta­quer sa sanc­tion devant le Conseil d’État.

Ce jour là, au sein du conseil, il pro­pose de don­ner du temps pour « recons­truire » l’or­ga­ni­sa­tion ter­ri­to­riale de soins. Un choix de verbe tou­jours révé­la­teur. Ceux-là mêmes qui sont à l’o­ri­gine du chaos sont donc éga­le­ment char­gés d’y mettre bon ordre. 

Il parle de « per­for­mance » et de la néces­si­té d’être « attrac­tif », comme le ferait un stra­tège du mar­ke­ting pour remo­ti­ver ses troupes lors­qu’il convoite de nou­velles part de mar­ché pos­sibles dans un sec­teur éco­no­mique donné. 

Jean Rott­ner prend la parole pour ne pas en faire grand chose, ain­si que d’or­di­naire : il parle amé­na­ge­ment du ter­ri­toire, et ajoute qu’il faut recon­naitre que « nous sommes dans quelque chose d’i­né­dit ». Sans doute pas pour M. Lannelongue. 

Jean-Luc Reit­zer fait alors une inter­ven­tion qui tra­duit un net chan­ge­ment de cap : il remer­cie Chris­tophe Lan­ne­longue pour ses annonces, y parle d’é­mo­tions et d’in­quié­tudes, mais semble renouer avec ceux qu’il cri­ti­quait aupa­ra­vant. Il remer­cie­ra dere­chef Rott­ner et le pré­fet pour leur « esprit d’ouverture et leur ges­tion du dos­sier sans a prio­ri ».

Le doc­teur Jacques Lévy, repré­sen­tant la com­mis­sion médi­cale d’établissement, regrette les excès de lan­gage adop­tés ces der­niers temps, notam­ment à l’en­droit de son très esti­mé col­lègue, le doc­teur Sen­gler, dont il veut défendre le travail. 

Jean Rott­ner ne peut qu’ap­prou­ver ces bonnes paroles. 

Toutes consi­dé­ra­tions qui ont mis le doc­teur Sen­gler dans de meilleurs dis­po­si­tions: il est main­te­nant d’accord pour se don­ner un temps de discussion. 

Romain Lut­trin­ger, maire de Thann, fait lui aus­si un bon en arrière, qui eut été mal appré­cié par ses élec­trices si elles en avaient eu connais­sance. Selon lui, une mani­fes­ta­tion [d’op­po­sant-es à la fer­me­ture] est là pour dire « ce qu’il y a à dire ». Après vient le temps du débat. Une manière de ren­voyer les citoyens à leur place subal­terne. Les déci­deurs décident, les mani­fes­teuses et mani­fes­teurs nor­maux rentrent à la mai­son et boivent du café. Il remer­cie­ra enfin tous ceux qui se sont investis. 

Jean-Marie Michel, repré­sen­tant des usa­gers dési­gné par le pré­fet, trouve que le pro­jet de l’ARS est accep­table pour le conseil de sur­veillance, les élus et même la popu­la­tion ! C’est assez dire s’il ne mord pas la main de celui qui l’a nommé. 

Der­nière men­tion du conflit lar­vé entre les élus et l’ad­mi­nis­tra­tion, le conseil de sur­veillance de mai 2019 fera un point sur la trans­for­ma­tion de l’offre de soins. On n’en trou­ve­ra plus trace au-delà de cette date. 

Cathe­rine Her­bé, direc­trice de l’offre de soins, annonce que l’acceptation des trans­for­ma­tions semble plus inté­grée au niveau des équipes des mater­ni­tés que des urgences d’Alt­kirch. La notion d’inté­gra­tion est redé­ployée pour déve­lop­per un sen­ti­ment d’appartenance à un seul et même éta­blis­se­ment. Les calen­driers d’ap­pli­ca­tion sont encore à ajus­ter entre l’ARS et la HAS. 

Jean-Luc Reit­zer sera der­nier à prendre la parole à ce sujet : il trouve la situa­tion « idyl­lique » mais rap­pelle, une der­nière fois, que les élus ne sont pas favo­rables à ces trans­for­ma­tions. Il estime par ailleurs que la baisse d’ac­ti­vi­té enre­gis­trée est liée à la perte de confiance engen­drée par ces chan­tiers de trans­for­ma­tion, ce qu’ap­puie­ra éga­le­ment Michel Sordi. 

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