La nouvelle est tombée ce mois de juillet 2025 : le fonds commun “langue et culture régionales” qui permettait le financement de l’enseignement complémentaire de culture régionale dans les lycées alsaciens ne sera plus abondé pour l’année scolaire 2025-2026.
Un coup dur pour la transmission des patrimoines alsaciens, et un signal inquiétant pour tous les défenseurs de la diversité culturelle à l’école.
Un dispositif historique menacé et un contexte national tendu
Cet enseignement, initié dès 1985 à l’initiative du recteur Deyon face à une forte demande locale, avait vu jusqu’à 6 000 élèves en option “Langue et culture régionales” (LCR), et 1 200 candidats la présenter au baccalauréat.
D’abord bilingue français-allemand, il est ensuite devenu, pour la majeure partie des élèves, un enseignement complémentaire en français, ouvert à tous de la sixième à la terminale, à raison d’une heure hebdomadaire. Valorisé au brevet des collèges et attesté au lycée, il est conçu comme un vecteur de connaissance de l’histoire, du patrimoine et de la culture alsaciens.
Le financement reposait sur un partenariat entre l’État, la Région Grand Est et la Collectivité européenne d’Alsace. Mais “en raison du contexte budgétaire national”, l’enveloppe permettant le paiement des vacations aux enseignants ne sera plus renouvelée pour les lycées.
L’Alsace n’est pas un cas isolé. Dans d’autres régions, comme l’académie de Bordeaux, la suppression de financements par les Directions régionales de l’action culturelle (DRAC) pour certains enseignements artistiques et patrimoniaux touche aussi la rentrée 2025, même si, dans certains cas, l’Éducation nationale assure le relais budgétaire de façon transitoire.
Dans ce contexte, beaucoup dénoncent l’écart entre les discours officiels de préservation du patrimoine culturel et les réalités de terrain. Les langues régionales font l’objet de recommandations multiples, rappelées encore récemment au Bulletin officiel, quant à leur place dans la scolarité. Pourtant, leur visibilité dans les programmes ou leur reconnaissance dans les concours de recrutement des enseignants restent faibles, une contradiction régulièrement pointée par les associations de défense de ces langues.
Mobilisations et prises de position : le paradoxe français
Face à ce retrait, des voix s’élèvent. Au niveau national, Amin Maalouf, secrétaire perpétuel de l’Académie française, a récemment défendu “la nécessité que les élèves de France aient connaissance de ces trésors culturels”, soutenant l’intégration des littératures en langues régionales dans les programmes. Il défend une vision non folklorique et non périphérique de ces enseignements, les présentant comme essentiels à la construction de l’identité collective et à l’ouverture sur la diversité culturelle.
En Alsace, de nombreux acteurs locaux, dont la fédération Alsace Bilingue, regrettent le désengagement de l’État, soulignant le paradoxe d’un financement assuré par les collectivités locales alors que la compétence reste le monopole du rectorat, et appellent à une législation qui rendrait obligatoire l’enseignement de la culture régionale à l’école.
Pour eux, cet enseignement n’est pas une option de confort mais un droit fondamental pour les jeunes à s’approprier les clés de leur environnement social et historique, dont les effets sur leur développement cognitif, langagier et culturel est documenté.
Quelles perspectives pour l’enseignement de la culture régionale ?
L’avenir semble incertain pour ces dispositifs. Si certains soulignent que des dispositifs d’appels à projets culturels (ex : AVLC Grand Est) subsistent pour des actions ponctuelles, ceux-ci ne remplacent pas un enseignement hebdomadaire structuré et garanti pour tous. La question demeure : la diversité culturelle est-elle appelée à se limiter, en France, à quelques actions symboliques ou pilotées au gré des arbitrages budgétaires, ou s’imposera-t-elle comme une composante durable et reconnue de l’École républicaine ?
Enjeu de cohésion et valorisation du patrimoine, la culture régionale à l’école cristallise des paradoxes français entre centralisation “jacobine”, volonté affichée de diversité, et récents reculs. L’Alsace se retrouve aujourd’hui en première ligne de ce combat pour la reconnaissance effective de son identité dans le système éducatif national.










